Ce que les professionnels de santé doivent savoir
Intoxication au méthanol
Le méthanol est un alcool biologique incolore dégageant une légère odeur alcoolisée. Il est couramment utilisé comme
solvant, carburant ou antigel dans l’industrie chimique. Cette substance n’est pas toxique en soi, mais en cas
d’ingestion, elle se transforme en acide formique hautement toxique, ce qui peut entraîner une défaillance de
plusieurs organes, une cécité, des lésions cérébrales, voire un décès.
Des vagues d’intoxications au méthanol se produisent souvent lorsque du méthanol est ajouté à des boissons
alcoolisées pour gagner de l’argent et qu’un grand nombre de personnes en consomme. Le fomépizole est un antidote
efficace en cas d’intoxication au méthanol, mais n’est pas disponible dans la plupart des pays touchés. Médecins
Sans Frontières (MSF) plaide pour qu’il soit davantage disponible et plus accessible.
Exposition au méthanol
Le méthanol, également connu sous le nom d’alcool méthylique ou d’alcool de bois, est couramment utilisé à diverses
fins industrielles. Une exposition au méthanol peut se produire par ingestion, inhalation et absorption cutanée. On
trouve également de petites quantités de méthanol dans certains produits de consommation de notre vie quotidienne,
tels que les encres et les colorants, les diluants pour peinture et les produits de nettoyage. Il est aussi présent
naturellement dans certains fruits, légumes et boissons fermentées, alcoolisées ou non. Du fait de sa présence dans
notre alimentation, le méthanol peut également être présent dans notre organisme en quantités infimes.
Le méthanol n’est pas toxique en soi, mais en cas d’ingestion, il se transforme en formaldéhyde (HCHO) qui sera
alors métabolisé rapidement, pour se transformer en acide formique hautement toxique (CHOOH) et son anion, le
formiate (CHOO⁻). La majorité des cas d’intoxication au méthanol surviennent à la suite d’une ingestion de boissons
alcoolisées frelatées. Le méthanol étant moins cher que l’éthanol (un autre type d’alcool que l’on peut consommer
sans danger en quantités modérées), certains fabricants couperaient illégalement des boissons alcoolisées en y
ajoutant du méthanol pour réduire les coûts de production. Contrairement à l’eau, le méthanol se dissout dans
l’éthanol, diluant ainsi l’éthanol plus coûteux sans aucune trace visible de contamination. Lorsque la quantité de
méthanol consommée dépasse ce que le corps humain peut tolérer, cela entraîne une intoxication au méthanol,
provoquant une acidose métabolique. .
Symptômes
La gravité des symptômes est corrélée au volume de méthanol consommé et à la quantité d’éthanol ingérée en même
temps. Il faut environ 12 à 24 heures pour produire suffisamment de formiate pour que les symptômes d’une
intoxication apparaissent si aucune quantité d’éthanol (l’antidote le plus courant) n’est consommée en même temps.
Si un mélange d’éthanol et de méthanol est consommé, le délai avant l’apparition des symptômes peut être de
plusieurs jours (jusqu’à ce qu’il ne reste plus d’éthanol dans l’organisme). Si le délai d’apparition des symptômes
est plus court (p. ex. 6 heures), il est peu probable qu’il s’agisse d’une intoxication au méthanol. Les symptômes
durent généralement quelques jours pour la majorité des patients s’ils survivent, mais les effets tardifs (comme la
cécité ou les lésions cérébrales) sont souvent permanents.
- Gastro-intestinaux :
- douleurs abdominales, nausées, vomissements, manque d’appétit, saignements gastro-intestinaux, pancréatite ;
- Neurologiques :
- maux de tête, étourdissements, vertiges, amnésie, perte de conscience, coma, convulsions ;
- Ophtalmologiques :
- troubles visuels, vision floue, sensibilité à la lumière, perte partielle de la vision, pupilles dilatées,
cécité permanente ; - Autres :
- détresse respiratoire ou hyperventilation, acidose métabolique, c’est-à-dire augmentation de l’acide dans le
sang.
Diagnostic
L’intoxication au méthanol peut entraîner plusieurs symptômes similaires à d’autres pathologies, telles que
l’acidocétose diabétique, l’acidocétose alcoolique, l’insuffisance rénale, la septicémie, la crise cardiaque,
l’accident vasculaire cérébral ou une gueule de bois sévère. Il est donc difficile de poser un diagnostic correct
et rapide. Les diagnostics erronés confondent souvent une intoxication au méthanol avec une intoxication alcoolique
ou une septicémie . L’administration tardive d’un traitement due à un diagnostic erroné augmente le risque, car le
pronostic dépend de la rapidité avec laquelle le traitement est initié après l’ingestion.
D’autre part, les personnes touchées consultent souvent assez tard, en raison du délai entre l’ingestion et
l’apparition des symptômes, et de la crainte d’être pénalisées pour avoir consommé de l’alcool, surtout dans les
pays où cela est interdit. Même lorsque les victimes consultent à temps, dans les contextes où se produisent les
intoxications, les professionnels de santé n’ont pas forcément les connaissances ou l’expertise nécessaires pour
diagnostiquer et traiter correctement une intoxication au méthanol. Les établissements médicaux peuvent facilement
se retrouver submergés par les vagues d’intoxication au méthanol, car celles-ci se produisent régulièrement en
groupes, par exemple lors de rassemblements et de fêtes, avec des centaines de personnes touchées en même temps et
des cas graves nécessitant des soins vitaux.
Traitements
En l’absence de traitement spécifique, les patients peuvent perdre connaissance et mourir en
l’espace de quelques jours. Il suffit d’à peine 10 ml (soit deux cuillères à café) pour entraîner une cécité, et
30 ml (soit une gorgée) ou plus peut être mortelle. Si les symptômes ne sont pas traités, ils évoluent
généralement vers des troubles de la vision, un coma, des lésions cérébrales et un décès.
Le risque d’intoxication survient lorsque le méthanol consommé est métabolisé et transformé en son sous-produit
toxique (acide formique/formiate) pour l’organisme. L’accumulation de ces substances toxiques peut entraîner un
excès d’acide dans les fluides corporels, et plus important encore, elle peut perturber la fonction mitochondriale
dans toutes les cellules, créant un phénomène appelé « hypoxie cellulaire ». Le but du traitement est donc d’enrayer
le métabolisme en utilisant l’éthanol ou le fomépizole comme antidote, en neutralisant l’acidose avec du bicarbonate
et en utilisant la dialyse, si possible, pour éliminer le méthanol et sa version transformée toxique. Enfin,
l’administration d’acide folique ou folinique améliore l’élimination endogène (par l’organisme lui-même) de l’acide
formique.
Pour voir les protocoles de traitement de l’intoxication au méthanol et les supports de promotion de la santé,
consultez le Centre de
ressources .
Éthanol (par voie orale ou intraveineuse)
L’éthanol est l’antidote le plus utilisé pour bloquer la métabolisation du méthanol. Il agit en faisant obstacle
à la dégradation métabolique du méthanol, empêchant ainsi l’accumulation de sous-produits toxiques. Il est
cependant difficile de donner une quantité suffisante d’éthanol et le taux d’alcoolémie est souvent trop faible
ou trop élevé. Par conséquent, bien qu’il puisse sauver des vies, on lui préfère le fomépizole (voir
ci-dessous), un antidote beaucoup plus facile à doser (et avec moins d’effets secondaires) que l’éthanol. C’est
ce produit, qui doit être utilisé s’il est disponible.
Fomépizole
Le fomépizole est un antidote plus efficace et facile à utiliser, qui ne provoque pas de sédation ni de
changement de comportement chez les patients du fait de l’intoxication. Son efficacité peut réduire le besoin
d’intubation ou de dialyse. Le fomépizole coûte cependant très cher et est indisponible dans de nombreuses
régions du monde. Son prix varie d’un endroit à l’autre, allant de 500 à 5 000 dollars par flacon.
En 2013, le fomépizole a été inclus dans la liste des médicaments essentiels recommandée par l’Organisation
mondiale de la Santé (OMS). Cependant, en raison d’ un manque de données sur l’intoxication au méthanol et du
coût élevé du fomépizole, cet antidote n’est pas enregistré dans la plupart des pays ni approuvé pour les
réserves d’urgence. MSF plaide donc pour que le fomépizole soit davantage disponible et accessible.
Bicarbonate (NaHCO3)
Le bicarbonate est souvent utilisé comme tampon pour absorber l’acidité dans le sang et d’autres tissus de
l’organisme, ce qui pourrait réduire la toxicité de l’acide formique/formiate et de fait, les niveaux d’acide
dans l’organisme. Il est administré dans l’espoir d’enrayer temporairement les symptômes. Toutefois, le
bicarbonate ne fera généralement que retarder les symptômes et le problème persistera tant que la métabolisation
du méthanol ne sera pas bloquée.
Dialyse
La dialyse est utilisée pour éliminer l’alcool toxique (méthanol), éliminer le métabolite toxique (formiate) et
corriger efficacement l’acidose. Si le matériel approprié est disponible, une dialyse peut également être
effectuée pour éliminer le méthanol et le formiate, ainsi que pour corriger l’acidose métabolique souvent très
sévère.
Prévention
Le manque de connaissances de base sur l’intoxication au méthanol et la pénurie de matériel de diagnostic figurent
parmi les principaux obstacles pour réduire les effets nocifs de ce phénomène. La sensibilisation et l’information
du public et de la communauté médicale sur l’intoxication au méthanol permettraient de sauver de nombreuses vies et
d’éviter des décès avec relativement peu de moyens.
Le personnel médical doit connaître les traitements spécifiques et savoir utiliser l’antidote contre l’intoxication
au méthanol. Les individus doivent cesser d’acheter des boissons alcoolisées illégales vendues dans des contenants
non étiquetés ou de les produire. Ils doivent également connaître les symptômes d’une intoxication au méthanol et
consulter immédiatement un médecin si les symptômes correspondants apparaissent au bout de 12 à 24 heures, voire
plus.